Présentation & power-point présenté lors de l'audition au Sénat


 

(Slide 1) Le 2 décembre 2020, en plein confinement, notre ami d’enfance et voisin, Morgan Keane, a été abattu par un chasseur qui l’aurait confondu avec un sanglier, alors qu’il coupait du bois dans son jardin avec une tronçonneuse. Il était 16h45, la nuit commençait à tomber et Morgan portait un casque anti-bruit orange fluo.

Le lendemain, le procureur du Lot affirmait que toutes les règles de sécurité avaient été respectées, ce que Willy Schraen, président de la fédération nationale des chasseurs, a répété le mois dernier à propos du drame qui a coûté la vie à Joël Viard qui était au volant de sa voiture. Cette phrase nous a interpellées. On parle de morts. On parle de balles dans le cou sur une quatre voies entre Rennes et Nantes, de balles de gros calibre en plein thorax dans son jardin et on nous parle du respect des « règles de sécurité ». Parler de règles de sécurité lorsqu'elles sont meurtrières et qu’elles permettent que les conditions soient légalement réunies pour que de tels drames se produisent, c'est se rendre complice de ces morts et les banaliser.

(Slide 2) Voilà un exemple de ce qu’on appelle « règles de sécurité » aujourd’hui en France. En bordure de la N12 dans les Yvelines, Un panneau de chasse en cours. Que sont censé faire les automobilistes pour être pour être prudents ?

(Slide 3) Après la mort de Morgan, les lotois autours de nous ne cessaient de répéter : « ça devait arriver », « il fallait s’y attendre ». Cette absence de surprise et les réactions des gens sur les réseaux sociaux nous ont sidérées. Aux quatre coins de la France, des voix s'élevaient, chaque jour de plus en plus nombreuses, pour dénoncer des comportements abusifs de chasseurs. Très vite, nous avons pris conscience de l'importance et de l'ampleur de ce problème qui dépassait l’échelle locale : il nous était impossible de continuer à ignorer la mise en danger permanente des ruraux 7 jours sur 7 pendant 6 à 10 mois de l’année. (Slide 4) Nous avons donc décidé de briser l’omerta et de faire un état des lieux des violences et des abus liés aux pratiques chasse en collectant les témoignages des ruraux. Nous leur avons permis de s’exprimer en relayant leurs témoignages sur les plateformes Instagram, Facebook et Twitter dont l’audience se compte aujourd’hui en plusieurs centaines de milliers de personnes.

C’est comme cela qu’est né, le 7 décembre dernier, le collectif Un jour un chasseur qui a permis la libération massive de la parole des victimes de la chasse. Nous avons synthétisé les aspirations des ruraux et proposé des réformes pour garantir la sécurité de tous les habitants et usagers des campagnes, qui demandent simplement de ne pas risquer de se faire tirer dessus chez eux et sur les chemins où ils aiment se promener.

Depuis maintenant un an, nous recevons chaque jour une vingtaine de témoignages faisant, entre autres, état de :

-        (Slide 5) Sentiments d’insécurité et de peur d'aller se promener en raison de battues non signalées, d’attaques de chiens de chasse, de tirs proches, dangereux et incontrôlés, de mises en danger d’autrui, d’injures, de menaces, et d’insultes, de conflits d’usage.

-        (Slide 6) D’intrusion sur des propriétés privées (loi Verdeille).

-        (Slide 7) De blessures ou de morts d'animaux domestiques.

-        (Slide 8) De tirs dans des maisons, des chambres d’enfants, des salons, des jardins, des trains et des voitures en circulation.

-        De plaintes refusées en gendarmerie, ou classées sans suite, même lorsque le chasseur responsable du tir dangereux a été identifié

-        (Slide 9) De blessures physiques et de tirs mortels.

(Slide 10) Voici maintenant l’extrait d’un tableau recensant les 52 accidents suffisamment sérieux pour être relayés par la presse concernant des non-chasseurs qui ont eu lieu entre le 31 juillet et le 29 novembre 2021. Sur cette période de quatre mois, 1 accident a été médiatisé tous les 2,32 jours. Parmi lesquels 1 mort non-chasseur, 11 blessés, 12 animaux domestiques blessés ou tués, 14 tirs sur maison ou véhicule, 9 non-respects de la propriété privée et menaces, 5 entraves à la circulation et mises en danger dans l’espace public.

3 points importants doivent être précisés :

- Cette liste ne concerne que des non-chasseurs, il y a déjà eu beaucoup plus de chasseurs tués et blessés sur la même période.

- Cette statistique n’est que la partie émergée de l’iceberg, car comme nous l’avons dit, nous recevons chaque jour une vingtaine de témoignages qui rapportent des faits similaires qui ne sont pas médiatisés.

- Enfin, ce recensement minimal est bien la preuve que l’insécurité des ruraux et des usagers des campagnes est réelle, généralisée et quotidienne et que des mesures doivent être mises en place de toute urgence.

(Slide 9) Il est grand temps d’écouter les besoins et les demandes des ruraux, ainsi que d’un grand nombre d’élus locaux et de combler un vide législatif et institutionnel au niveau national afin d’empêcher que de nouveaux drames se produisent alors qu’ils auraient pu être évités.

La pétition que nous avons déposée sur le site du Sénat propose des mesures élaborées à partir des témoignages reçus.

Pour que tout le monde puisse profiter de la nature, nous demandons l'interdiction de la chasse le dimanche et le mercredi, sur l'ensemble du territoire français et sans possibilité aucune de dérogation. On vous rappelle que, selon le dernier sondage de l’IPSOS datant de septembre 2021, 82% des français sont favorables à cette mesure et que nos voisins européens ont, pour la plupart, adopté au moins un jour hebdomadaire sans chasse.

Au vu des nombreux accidents, de chasseurs comme de non-chasseurs, il est évident que la formation des chasseurs ainsi que les règles de sécurité sont insuffisantes et doivent être revues : partager les espaces naturels avec des hommes armés dans les conditions actuelles est inenvisageable. Nous demandons une distance de sécurité autour des maisons, des routes et des chemins au moins égale à la distance maximale de la portée des armes. Nous demandons que le permis soit renouvelé chaque année, avec un certificat psychologique et médical à l'appui, comme cela est demandé pour n’importe quelle licence sportive.

Il est inadmissible que l'on continue à considérer de manière aussi légère et laxiste l'acquisition et la détention d'armes de catégorie C, létales jusqu’à 3km, qui sont bien plus puissantes que celles de nos forces de l’ordre. Ces armes se retrouvent d'ailleurs très régulièrement dans des cas d'homicides et de féminicides, commis hors action de chasse, et qui auraient pu être évités. Le 11 juin dernier, une mère de famille a été abattue par arme de chasse par son ex-compagnon chasseur sur un parking public de Monéteau. L'assassin, titulaire du permis de chasser, était déjà connu de la justice pour violences conjugales. Combien de faits divers similaires ? Combien d'homicides et de féminicides commis avec des armes de chasse par des personnes qui les détenaient de manière complètement légale ? Étant donnée la facilité d'acquisition et de détention d'arme en France via le permis de chasser, nous demandons un réel contrôle et suivi de ces armes sur le territoire national.

Les victimes de la chasse doivent pouvoir s'exprimer en toute tranquillité, sans subir de représailles, et sans craindre que leurs plaintes soient classées sans suite, comme cela arrive trop régulièrement. D’autre part, nous demandons des sanctions pénales systématiques en réponse à tout incident survenu lors d’une action de chasse : la possibilité du retrait immédiat et définitif du permis de chasser, l’interdiction définitive de détenir ou d’acquérir une arme, des dédommagements et intérêts conséquents et des peines d’emprisonnement strictes et fermes. Nous demandons enfin une reconnaissance officielle et publique des victimes directes et collatérales de la chasse par l’État, ainsi que la mise en place systématique d’un soutien psychologique et financier. Rowan Keane, le petit frère orphelin de 23 ans de Morgan, qui était présent lors du drame, n’a à ce jour bénéficié d’aucun soutien psychologique ni financier.

Un législateur qui prend le risque de faire cohabiter 98% de la population avec 2% de chasseurs dont les balles sont incontrôlables et létales jusqu’à 3km – et qui le sait est donc responsable des accidents qui peuvent en découler. Depuis maintenant un an, nous avons réussi à montrer que ces drames n’étaient pas des cas exceptionnels ni des accidents mais des conséquences d’un défaut de la loi qui autorise l’utilisation d’armes dans l’espace public alors que leur portée et leur trajectoire ne peuvent être contrôlées par les chasseurs.

 

En créant le collectif Un jour un chasseur, nous n'imaginons pas être ici, devant vous, un an tout juste après la mort de Morgan. Nous n'imaginions pas l'importance du besoin de la population rurale de faire entendre sa voix, lorsque son opinion et sa souffrance sont généralement complètement et volontairement ignorées lorsque l'on parle de "ruralité". 

Mais les événements dramatiques récents, exceptionnellement médiatisés ces dernières semaines, se répètent malheureusement chaque année dans l’indifférence, et ne sont qu’une infime partie de ce que subissent quotidiennement les habitants et usagers de la nature en période de chasse.

S’ils étaient jusque-là passés sous silence par la presse nationale et par les institutions, nous nous sommes efforcées, depuis maintenant un an, de porter la parole des ruraux pour rendre visibles ces violences, drames et abus et en démontrer les enjeux, sociaux comme politiques. Ce besoin n'a jamais jusque-là été pris en compte, ni par les autorités, ni par les institutions, ni par le gouvernement. Aujourd'hui nous sommes fières de porter cette parole, même si, il faut bien l'admettre, il est triste que l'on doive jouer ce rôle, qui devrait être celui de l'État.

Mais nous continuerons de tenir ce rôle, aussi longtemps que, en France, des automobilistes seront tués d'une balle dans la tête au volant de leur voiture, tant que des promeneurs, des cyclistes et des gens dans leur jardin auront le thorax perforé, tant que des balles traverseront des maisons, atterriront dans des chambres d’enfant, tant que des animaux de compagnie seront retrouvés criblés de plombs, tant que des violations de propriété privée seront perpétrées, tant que des gens seront menacés, insultés ou humiliés par des hommes armés, tant que nous renoncerons à aller nous promener par peur d’être confondus avec des sangliers.

 

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